Tamatoa & Myster Mask

Lunatique comme à son habitude, Tamatoa avait déjà occulté de sa mémoire les événements du bal au Walt Disney Concert Hall. Il avait accordé à ce souvenir, grosso modo, cinq minutes de son temps avant de les classer comme ridicule et de les chasser de son esprit. Qu'importe si quelqu'un tirait soi-disant les ficelles de sa destinée, il avait d'autres projets en tête. Il avait une revanche à prendre et un piège pour ses anciens ennemis à concocter. Sa nouvelle collection était enfin terminée. Il allait enfin pouvoir passer à l'action. Cela était bien plus important que de se pencher sur le cas de ce mystérieux Monsieur Fate pour voir si les élucubrations de cet homme étaient vraies ou non.

Cette collection s'appelait pompeusement "Le coeur du Monde". Le clou de la collection était un collier ras de cou composé d'imitation de fleur d'or et d'argent dont le seul but était de mettre en valeur l'émeraude polie au centre du Bijou. Le joaillier n'avait pas retrouvé le véritable coeur de Te Fiti alors il avait dû se contenter d'en effectuer une copie la plus parfaite possible. La même taille, le même vert accrochant la lumière, les mêmes gravures sur la pierre. Il n'avait pas menti lorsqu'il avait dit à Maléfique qu'il s'était surpassé pour cette nouvelle création. Même s'il avait bénéficié d'un peu d'aide sur la fin pour rendre cette contrefaçon vraiment parfaite.

Le collier était un modèle unique qui serait d'abord mis en exposition avec un grand renfort de publicité avant d'être mis aux enchères. Du moins, c'était le baratin qu'il avait servi aux médias. Tamatoa ne comptait même pas aller jusqu'aux enchères. Il ne doutait pas que le renfort de publicité aille attirer certaines personnes capables de reconnaître la pierre avant d'en arriver là. Un certain demi-dieu ou une certaine navigatrice en herbe. Idéalement, les deux à la fois, mais l'ancien crabe pouvait très bien se contenter d'un seul. Que ferait-il après ? Là n'était pas la question. Une manière de se dire qu'au fond, il n'en savait rien. Dans son apparence actuelle, il ne pouvait plus vraiment appliquer ses anciennes méthodes et, de toute façon, sa manière d'agir dépendra certainement de son humeur du moment. Comme toujours.

Pour préparer ce grand moment, Tamatoa avait veillé à ce que tout soit parfait dans les moindres détails. Il avait loué une galerie d'art juste pour cette occasion. Buffet et champagne étaient bien entendus au rendez-vous. La pièce avait été aménagé de sorte à véritablement mettre en valeur le collier. Commençant d'abord par une exposition sur les précédentes collections, pour ensuite poursuivre avec des croquis et autres études crayonnées préliminaires montrant les premiers prototypes et l’élaboration du collier. Collier qui était masqué à la vue de tous derrière un rideau fait dans un tissu légèrement transparent et imprimé dans un paysage représentant un décor paradisiaque d'une île d’Hawaï. Passez ce dernier obstacle décoratif, le visiteur pouvait découvrir le collier dans toute sa splendeur derrière une vitrine, sous la surveillance discrète d'agents de sécurité. Ses agents avaient pour consigne de le prévenir au moindre visiteur arrivant dans cette partie de l'expo qui ressemblait, même vaguement, à la description des invités qu'il attendait plus que tout au monde.

En attendant cet instant béni, Tamatoa se mêlait aux convives qui avaient répondu présent. Une coupe de champagne dans une main, il échangeait des banalités mondaines et répondait aux questions en ne pouvant s'empêcher de glisser des allusions plus ou moins discrètes concernant son inspiration ou le but cacher de cette exposition. Lorsqu'il allait trop loin, il rigolait en disant qu'il plaisantait. Cela marchait à tous les coups. Parmi tous ses invités, la présence d'un certain Drake Starling qui lui avait posé également quelques questions aurait dû retenir son attention, car il s'agissait d'un détail important pour la suite. Cependant, le joaillier retenu simplement qu'il avait pris plaisir à leurs échanges, sans plus. Il était bien trop occupé à s'interrompre à chaque fois qu'il entendait la porte s'ouvrir et à jeter un coup d'oeil dans l'espoir de reconnaître le visage d'un de ses anciens ennemis.

Hélas pour lui, la soirée se poursuivit sans qu'une telle chose n'arrive. À mesure que les heures passaient, Tamatoa devait contenir sa déception grandissante derrière son sourire de façade. Lorsque la soirée se termina sans que ni Maui ni la petite peste ne se montrent, l'ancien crabe eut bien du mal à ne pas laisser exploser sa frustration. Il ne pouvait pas se permettre de détruire un décor qui allait servir les jours suivants. C'est ce dernier point qui l'aida à lentement se calmer. Ces idiots ne s'étaient pas montré aujourd'hui ? Ils viendront peut-être demain, ou le jour d'après. Après tout, il avait bien attendu mille ans avant que Maui ne vienne récupérer son hameçon. Il n'était pas à quelques jours d'attente près.

Malgré ses sages pensées, Tamatoa avait pianoté rageusement de la main sur la boîte contenant le fameux collier pendant tout le trajet de retour vers son luxurieux loft. Bien sûr, il avait emporter la réplique du Coeur de Te Fiti avec lui et comptait bien le faire à chaque fois. Jamais il ne laisserait un bien aussi précieux dans la salle d'exposition, quelle que soit la sécurité renforcée qui s'y trouvait. Le créateur du bijou ne redoutait pas d'être volé pendant la nuit. Il craignait surtout que ses anciens ennemis ne profitent des heures de fermeture pour se faufiler comme des rats et se rendre compte de la contrefaçon en son absence. Hors de question qu'il rate ces retrouvailles tant attendues à cause d'un manque de prévoyance aussi basique.

Le temps que l'ascenseur ne le conduise au dixième étage, il avait eu tout le temps de planifier mentalement le reste de sa soirée. Il allait d'abord poser le collier en sécurité, puis, il laissera exploser sa frustration sur un élément de sa coûteuse décoration qui avait eu le malheur de se trouver sur son chemin, enfin, il se calmerait, se servirait un verre, lancerait une chanson entraînante sur son Jukebox et viderait son verre en contemplant la mer qu'il pouvait voir au loin depuis son balcon.

C'était ce qu'il avait prévu. La réalité mit à mal ses projets. En entrant dans son loft, sa main libre actionna l'interrupteur et... Rien ne se passa. Il avait pourtant entendu le déclic, mais, la pièce demeurait dans l'obscurité. Tamatoa poussa un soupir agacé tout en s'acharnant sur l'interrupteur. Rien, toujours rien. Cette fois, il étouffa un grognement rageur. C'était ce genre de détail qui lui faisait regretter son ancienne vie. Sous son apparence de crabe, le noir complet ne lui aurait posé aucune difficulté pour se déplacer, grâce aux propriétés fluorescentes de son corps. Ici, il allait devoir appliquer une autre méthode. Il entra, avançant à l'aveugle jusqu'à la lampe sur pied la plus proche, espérant obtenir ENFIN un peu de lumière.

Ce qu'il ignorait, c'est qu'il n'était pas seul.